Les autorités de l’une des villes les plus visitées d’Europe envisagent d’interdire l’usage de l’herbe aux touristes afin de réduire le nombre de voyageurs turbulents, mais les critiques estiment qu’une telle mesure pourrait pousser le secteur à la clandestinité.
Alors que l’industrie touristique d’Amsterdam commence lentement à se remettre de l’impact de la pandémie, ses célèbres cafés cannabis pourraient être confrontés à un nouvel obstacle, sous la forme d’une interdiction pour les touristes étrangers.
Au début de l’année, le maire de la ville, Femke Halsema, a présenté une proposition visant à interdire aux touristes étrangers l’accès aux établissements servant du cannabis comme un moyen de réinventer l’image de la ville. Selon ses partisans, interdire l’accès des cafés aux étrangers permettrait de mettre un terme à l’afflux de touristes turbulents qui envahissent les rues de la ville et agacent certains habitants.
Cependant, après plus d’un an sans beaucoup de revenus provenant des voyageurs étrangers, les cafés craignent qu’une telle interdiction ne rende la reprise encore plus difficile, en chassant les entreprises légales et en créant une plateforme pour les revendeurs de rue.
Ces dernières années, avant la pandémie, la ville attirait environ 20 millions de touristes par an. Mais même après la levée de plusieurs mesures de confinement, le nombre de visiteurs étrangers dans la ville reste bien inférieur à ce total antérieur.
Grande dépendance à l’égard des touristes étrangers
Eve Mcguire, qui travaille au Coffeeshop Reefer, a déclaré que sans les touristes, une part importante des revenus du café disparaîtrait.
« S’ils devaient interdire les touristes, 80% de nos clients disparaîtraient », a déclaré Mcguire à DW. « Et pas seulement ça, mais les Néerlandais ne se détendent pas dans les cafés. Si vous êtes néerlandais, vous achetez votre herbe et vous rentrez chez vous. Les gens qui se détendent dans les coffee shops sont des touristes. »
Gary Gallagher, le directeur du Musée du Cannabis d’Amsterdam, a déclaré à DW que même avec les restrictions de voyage récemment assouplies, la quantité d’argent liquide qui entre n’est encore que la moitié de ce qu’elle était avant la pandémie.
Il pense qu’en raison de la quantité d’argent que l’industrie rapporte, il est peu probable qu’une telle interdiction des étrangers dans les cafés entre en vigueur. Même si les autorités parviennent à faire passer cette interdiction, il estime, comme d’autres critiques, qu’elle risque de pousser l’industrie du cannabis dans la clandestinité.
Les touristes turbulents provoquent la colère des habitants
Cependant, Mme Mcguire elle-même a trouvé qu’Amsterdam était plus paisible sans l’afflux de voyageurs. « C’était agréable de ne pas entendre sept jours sur sept, 24 heures sur 24, les gens entrer et sortir. La rue ne se ferme jamais, les touristes ne m’ont pas manqué pour être honnête », a déclaré Mme Mcguire.
D’autres ont un avis plus tranché sur la question. Milan, un résident de 26 ans qui vit dans un appartement souterrain au cœur de De Wallen, a raconté à DW qu’un touriste ivre, l’un des nombreux qui se promènent dans le quartier la nuit, a un jour vomi sur sa fenêtre.
Amsterdam est connue pour sa vie nocturne animée
« J’étais juste en train de me détendre sur mon lit quand j’ai vu quelqu’un dehors, qui s’est assis et a vomi dans la fenêtre », a-t-il dit.
Il a ajouté qu’il serait heureux de voir de nouvelles réglementations mises en place pour limiter les touristes fêtards. « Ils n’ont aucun respect. C’est un quartier mais ils ne le voient pas comme un quartier où les gens vivent. »
L’industrie du cannabis attire de nombreux voyageurs
Ce qui attire de nombreux touristes dans la capital des Pays-Bas, outre ces nombreux musées et galleries d’art, c’est avant tout son industrie du cannabis. Fumer du cannabis est vraiment facile dans la capitale.
Outre le fait de fumer, le vapotage est un moyen populaire de consommer du cannabis dans les coffeeshops d’Amsterdam. Avec un appareil appelé vaporisateur à herbes, vous pouvez chauffer l’herbe et parfois le haschisch, à une température spécifique à laquelle les ingrédients actifs du cannabis s’évaporent. Cette température est bien inférieure au point de combustion (230 degrés), ce qui empêche l’herbe de s’enflammer.
En bref, un vaporisateur « vaporise » plus ou moins votre herbe au lieu de la brûler. Ainsi, en vaporisant les ingrédients actifs, aucune fumée n’est créée. Les personnes qui ne fument pas peuvent quand même « vaper ».
Aux Pays-Bas, certains coffeeshops ont des vaporisateurs qui sont offerts comme un service gratuit, si vous achetez de l’herbe au comptoir.
Au fil des ans, un certain nombre de petits vaporisateurs portatifs ont été mis au point, qui permettent de « vaper » à l’extérieur. Ces appareils sont généralement chargés par USB. Alors que certaines versions sont faites spécifiquement pour les herbes sèches, d’autres modèles permettent l’utilisation de concentrés comme la cire, le shatter et l’huile de miel.
La vaporisation est sans doute moins nocive que le tabagisme ordinaire, car elle produit moins de fumée secondaire, et c’est la méthode préférée des utilisateurs de cannabis médical.
Mesures visant à limiter l’afflux de touristes
Cette année, le maire Halsema a annoncé un plan visant à déplacer les travailleurs du sexe du quartier rouge De Wallen loin des fenêtres et dans un bâtiment central plus proche de la périphérie de la ville.
Amsterdam a également alourdi les formalités administratives pour ceux qui souhaitent louer des appartements sur Airbnb dans la ville.
En outre, les responsables de la ville ont introduit un quota de touristes après qu’une initiative citoyenne ait fait pression en ce sens. Il fixe une limite de 20 millions de nuitées par an. Amsterdam est la première ville au monde à introduire un tel plafond.
Réinventer le tourisme à Amsterdam ?
Les responsables affirment que l’interdiction proposée aux étrangers de fréquenter les cafés de cannabis aiderait la ville à attirer un ensemble plus sain de voyageurs, car ceux qui viennent profiter des politiques libérales en matière de consommation de drogues et de l’industrie du sexe ne sont pas toujours les mêmes que ceux qui viennent admirer les canaux pittoresques ou voir la maison de Van Gogh.
Les responsables d’Amsterdam espèrent attirer davantage de touristes intéressés par l’architecture et l’offre culturelle de la ville.
Cependant, M. Gallagher pense que si les autorités veulent s’attaquer au chaos que les touristes fêtards créent dans les quartiers centraux de la ville, une meilleure solution serait de se concentrer simplement sur le renforcement de la police dans les quartiers centraux.
« Ils pourraient avoir une plus grande présence policière dans le quartier chaud. Ils ne faisaient que fermer les yeux, mais maintenant ils ont une chance, s’ils veulent sévir », a-t-il déclaré. « S’ils veulent réduire le nombre de fêtes de célibataires britanniques bruyantes, nous sommes tous en faveur de cela, mais empêcher les gens de dépenser de l’argent, surtout maintenant, je ne pense pas que ce soit très intelligent. »
